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Publié le vendredi 30 décembre 2011
Un panel composé de journalistes et d’universitaires a passé au crible l’exercice du journalisme en mettant l’accent sur le rôle social de la presse, lors d’une causerie ce 20 décembre à la Fondation Connaissance et Liberté (en créole : FOKAL). Cette conférence-débat a été organisée par le Groupe Médialternatif, en commémoration de ses dix ans d’existence, autour du thème : « Au carrefour de l’info communication : quid de la responsabilité sociale des médias ? » (Voir vidéo au bas de l’article) Le journaliste, Rommel Pierre, abordant le sujet médias et attentes sociales, attire l’attention sur la grande audience des radios en Haïti. Il fustige en revanche la faible qualité de la plupart des contenus offerts et la quantité exagérée, selon lui, de stations de radio. Rien qu’à St Marc, ville qui compte autour de 200 mille habitants, on compte 54 stations de radio, certaines logent au domicile d’un individu quelconque se prenant pour une vedette du micro, illustre t-il. Rommel Pierre critique aussi le manque d’éditoriaux dans les médias haïtiens qui pourraient servir à éclairer le peuple et prendre en compte ses attentes sociales tout en soulignant que les médias ont des fonctions extrêmement importantes dans la société qui consistent à informer, éduquer, analyser et guider. Pour sa part, le journaliste Hérold Jean François insiste sur les qualités de la presse haïtienne, forcée selon lui d’outrepasser son rôle, dans un pays où il y tant de faiblesses et de manques. Jean François évoque « des clichés » et, pour lui, « dire que la presse ne remplit pas son rôle social est une injustice ». Selon lui, les médias d’information ont une mission difficile et ne peuvent « être parfaits dans un monde imparfait ». Il appelle cependant la presse à « être responsable au pluriel dans une société où chacun essaie d’imposer l’acceptation du fait accompli ». Pour lui, la presse haïtienne doit être le dernier rempart et le garant des acquis démocratiques. Espace public et guerre d’influences Le professeur à l’université, Ary Régis a mis l’accent dans son intervention sur le rapport entre les différents secteurs d’influence et les médias. Selon Régis, les citoyens ont besoin d’informations pour fonctionner, décider et organiser leur vie dans une société. Cependant, de nos jours, il existe une diversité de sources d’informations qui viennent compliquer le travail des journalistes, constate t-il, parlant des réseaux sociaux et des blogs. De plus, les secteurs d’influence a travers les communicants ont de plus en plus tendance à infiltrer et contrôler les informations médiatiques pour y ajouter leurs contenus de manière subtile et efficace, affirme t-il. Régis cite les secteurs d’influences économiques, politiques (gouvernementaux, partis politiques), sociaux (les associations...), culturels (université...) qui influent sur le travail des journalistes. Il pointe particulièrement du doigt les secteurs commerciaux qui cherchent à exploiter les ressources à leur profit en imposant leur manière de faire. Selon lui, le plus grand défi du journaliste est de gérer les informations contre les secteurs d’influences qui veulent les infiltrer et les contrôler à leurs profits. De son côté, la sociologue Danièle Magloire a abordé le concept d’espace public en rapport au rôle des médias. Pour elle, l’espace public est en construction en Haïti, faisant un clin d’oeil à l’histoire récente des vingt dernières années qui ont suivi une dictature. Elle dit observer en Haïti une absence de structures de médiation pour résoudre les différents niveaux de conflits sociaux. « Il y a très peu de débats dans les médias », souligne t-elle. Tout en soulignant que l’objectif de la presse est d’informer et d’encadrer les citoyens, elle avance qu’Haïti est tributaire des dérives de l’infocommunication. Faisant suite à l’intervention de Danièle Magloire, le professeur Hérold Toussaint affirme que l’espace public implique des citoyens éclairés et intelligents. Il présente les médias comme un espace public permettant aux citoyens et citoyennes de se constituer une opinion éclairée, de prendre connaissance des grands enjeux de société et de comprendre les conflits nationaux et internationaux. Les médias haïtiens participent-ils à informer et documenter adéquatement le citoyen pour qu’il exerce des choix libres ? Contribuent-ils à la vie démocratique ?, se questionne Toussaint, professeur à la faculté des sciences humaines. Il prône une éducation politique à la citoyenneté. Les médias doivent aider les citoyens à faire état et comprendre la complexité de la réalité à travers les informations, ajoute t-il. Ils ont aussi pour rôle de sensibiliser les gens à avoir un rapport sain avec les infrastructures locales notamment dans un esprit de respect du bien commun. Le débat s’est déroulé en présence de plus d’une assistance nombeuse, dont des personnalités comme l’ex ministre de la culture et cinéaste, Raoul Peck, l’ancien ministre des Haïtiens vivant à l’étranger, Edwin Paraison et du vice-recteur à la recherche de l’Université d’État d’Haiti, Fritz Deshommes. Etaient également présents, le Secrétaire general de l’Association des Journalistes Haitiens (AJH), Jacques Desrosiers, le directeur général de Radio Vision 2000, Léopold Berlanger, le Directeur de l’information de la Radio nationale d’Haiti, André Marc Odigé, le Directeur du Centre Opérationnel des Médias, Claude Gilles. On comptait aussi dans l’assistance Kathie Clareigh du Centre International des Journalistes (ICFJ), Maude Malengrez du Programme de communication de la FOKAL, la coordonnatrice du Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR), le directeur de l’Institut Culturel Carl Levêque (ICKL), Marc Arthur Fils-Aimé et le coordonnateur du Conseil Haïtien des Acteurs non Étatiques (CONHANE), Edouard Paultre. Voir vidéo